L’Europe est en retard sur la production de semi-conducteurs avancés
7 mois ago · Updated 6 mois ago
Alors que le monde numérique tourne à plein régime, l'Europe peine à tenir la cadence dans la course haletante des semi-conducteurs avancés. Décryptage d'une énigme industrielle aux répercussions globales.
État des lieux de l'industrie européenne des semi-conducteurs
L'Europe, consciente de l'importance cruciale des semi-conducteurs dans le paysage industriel contemporain, a récemment franchi un pas décisif pour renforcer sa position sur ce marché hautement stratégique. En effet, un accord historique a été conclu visant à propulser l'industrie européenne des semi-conducteurs vers de nouveaux horizons. l'enjeu est de taille : il s'agit ni plus ni moins que de réduire la dépendance du vieux continent envers les géants asiatiques qui dominent actuellement le secteur.
L'ambition européenne en chiffres
Avec une production qui ne représente aujourd'hui qu'une fraction modeste du marché mondial, soit moins de 10 %, l'Union européenne se lance dans une course effrénée pour atteindre un objectif audacieux : quadrupler sa capacité et détenir 20 % du marché d'ici 2030. Les rouages de cette ambition sont mis en mouvement grâce à l'accord sur le "Chips Act", une initiative saluée par Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur, comme un tournant majeur pour l'autonomie industrielle européenne.
Des secteurs clés déjà desservis
Certes, le retard est manifeste dans certains domaines tels que la fabrication de composants ultra-miniaturisés. Toutefois, il convient de souligner que les entreprises européennes telles que STMicroelectronics sont déjà bien ancrées dans des secteurs vitaux comme l'automobile ou encore l'aéronautique. Ces industries requièrent des technologies spécifiques où les acteurs européens ont su se tailler une part non négligeable du marché.
Un plan stratégique face à la concurrence internationale
Dans cette quête d'autosuffisance et face à la concurrence internationale féroce, notamment celle venue d'Asie et d'Amérique du Nord, l'Europe ne ménage pas ses efforts. Elle compte sur ses instituts de recherche renommés tels que le CEA-Leti en France et sur une alliance industrielle forte regroupant les principaux acteurs privés et centres technologiques pour stimuler l'innovation et la production.
Mesures concrètes pour une industrie compétitive
La Commission Européenne sous la houlette d'Ursula von der Leyen a clairement exprimé son engagement : aucun virage vert ou numérique n'est envisageable sans un solide socle manufacturier dans le domaine des semi-conducteurs. Des méga-usines voient déjà le jour grâce aux investissements annoncés par STMicroelectronics ainsi que par les géants américains GlobalFoundries et Intel. Ces installations seront essentielles pour répondre à la demande croissante et diversifiée tout en consolidant la souveraineté numérique européenne.
Cette dynamique nouvelle est porteuse d'espoir ; elle signale un changement radical dans la perception du rôle stratégique que jouent ces micropuces dans notre société connectée. Si hier elles étaient sous-estimées, aujourd'hui elles incarnent presque littéralement les fondations sur lesquelles repose notre avenir numérique.
Facteurs explicatifs du retard européen dans la production de semi-conducteurs avancés
Le défi est considérable et les obstacles nombreux. L'Europe, face à ses concurrents internationaux, doit surmonter un passif technologique significatif, particulièrement dans le domaine des semi-conducteurs dits "more Moore", qui se réfère à la poursuite de la miniaturisation des composants électroniques. Pascal Viaud, expert en la matière et directeur général d'Ubik, souligne une problématique majeure : l'absence de fonderies ouvertes et accessibles sur le territoire européen pour produire ces semi-conducteurs avancés.
Des infrastructures insuffisantes
La construction d'infrastructures spécialisées telles que celles envisagées par Intel pourrait partiellement remédier à cette lacune. Toutefois, cette mesure seule ne saurait suffire à combler l'écart avec les leaders mondiaux du secteur. Le tissu industriel européen manque cruellement de géants numériques comparables à Apple ou Microsoft, principaux consommateurs de ces puces.
L'importance stratégique des semi-conducteurs
Ces composants sont les piliers invisibles mais indispensables d'une vaste gamme d'applications allant des smartphones aux supercalculateurs. Sans eux, impossible d'envisager la transition numérique actuelle. La mainmise asiatique sur ce marché est flagrante avec TSMC et Samsung en tête de pont. À cela s'ajoute l'hégémonie américaine dans la conception des puces.
Les mesures prises pour inverser la tendance
Afin de rectifier le tir, l'Europe a engagé un plan ambitieux : doubler sa participation sur le marché mondial des semi-conducteurs d'ici 2030, en misant sur les puces les plus sophistiquées. Un pari audacieux qui nécessite une connaissance approfondie des chaînes d'approvisionnement mondiales et un investissement massif dans l'innovation ainsi que dans le développement des compétences.
Une diversification nécessaire
Mais tout n'est pas sombre dans le tableau européen ; certaines entreprises ont su s'imposer sur des segments spécifiques du marché, comme celui lié à l’industrie automobile ou encore au ferroviaire et à l'aéronautique – domaines où Stéphane Martinez de STMicroelectronics voit une adéquation entre offre et demande.
Cette analyse met en lumière un ensemble complexe de facteurs ayant conduit au retard européen en matière de production de semi-conducteurs avancés. Elle esquisse également les contours d'une réponse structurée visant non seulement à rattraper ce retard, mais aussi à sécuriser une place prépondérante pour l’Europe dans cet univers hyperconcurrentiel.
Stratégies et initiatives pour rattraper le retard en matière de production de semi-conducteurs avancés
Consciente des défis qui se dressent sur la voie du progrès technologique, l'Europe a échafaudé une stratégie ambitieuse pour se hisser au rang des leaders dans le domaine des semi-conducteurs avancés. Cet élan stratégique s'appuie sur un faisceau d'initiatives ciblées, dont l'objectif est de dynamiser une industrie jusqu'alors à la traîne.
Création d'une alliance industrielle
L'un des piliers de cette renaissance industrielle repose sur la formation d'une alliance entre les entreprises et les centres de recherche européens. Cette synergie vise à catalyser l'innovation grâce à un partage accru des connaissances et à une mutualisation des ressources techniques et humaines.
Développement des compétences
Pour combler la pénurie de compétences, l'Europe mise sur la formation et l'attraction de nouveaux talents. Un accent particulier est mis sur :
- l'amélioration des programmes universitaires en lien avec les technologies de pointe ;
- la mise en place d'incitations attractives pour les spécialistes du secteur ;
- le soutien aux formations continues visant à perfectionner les compétences des professionnels déjà actifs.
Innovation dans la conception et fabrication
Au cœur de cette stratégie figure également le désir ardent d'exceller dans la conception et la fabrication de puces électroniques avancées. Pour cela, l’Europe envisage :
- d'établir des centres de compétences dédiés à la recherche appliquée ;
- de développer des lignes pilotes pour tester les innovations avant leur mise en production ;
- d'accélérer le déploiement d'infrastructures industrielles modernes capables d'accueillir ces nouvelles technologies.
Sécurisation des chaînes d'approvisionnement
Forte du constat que maîtriser sa chaîne d'approvisionnement est synonyme d'autonomie économique, l’Union européenne s'évertue à rééquilibrer ses sources d'approvisionnement en semi-conducteurs. Cette démarche passe par :
- l'évaluation rigoureuse des risques géopolitiques affectant les chaînes logistiques mondiales ;
- la diversification des partenariats commerciaux pour minimiser les dépendances unilatérales ;
- l'instauration d'un mécanisme coordonné entre États membres pour anticiper et gérer efficacement tout risque de pénurie.
Cette politique volontariste, incarnée notamment par le "Chips Act" européen, traduit une prise de conscience aiguë : sans autonomie dans le secteur clé que sont les semi-conducteurs, il n'y aura pas de souveraineté numérique ni industrielle possible. L'enjei dépasse donc largement le cadre économique ; il touche au cœur même de la capacité stratégique européenne à façonner son avenir technologique.
Avec ces mesures structurantes, l’Europe aspire non seulement à pallier son retard mais aussi à jeter les bases solides nécessaires pour jouer un rôle prédominant dans le paysage mondial changeant des hautes technologies. Il reste désormais aux acteurs privés comme publics à transformer ces plans en réalités tangibles afin que ce sursaut européen ne soit pas qu’un mirage mais plutôt un véritable tournant historique.
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